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Colloque-débat à Verviers sur la prostitution, Février 2014

Le 20 février 2014, l’asbl isala était invitée à intervenir lors d’un colloque-débat organisé par le Centre Femmes/Hommes de Verviers. Voici le compte-rendu de cette soirée, issue du site web du Centre.

Ce jeudi 20 février se tenait donc une séance d’information mise sur pied par le Centre Femmes/Hommes de Verviers.

Les personnes choisies pour animer cette soirée appartenaient à des organismes qui ont pour but la lutte pour l’égalité Femmes/Hommes et, en corollaire, l’éradication de la prostitution.

Il s’agissait de :
– Pierrette PAPE, membre de l’A.S.B.L. ISALA et aussi du Lobby Européen des Femmes
– Pascale MAQUESTIAU, qui œuvre en faveur de l’organisation Le Monde selon les Femmes
– Modi NTAMBWE qui travaille au sein du Réseau Européen des Femmes Migrantes.

La Présidente du Centre ouvrait la séance à 19h30 en souhaitant la bienvenue aux personnes présentes et en les remerciant de leur présence. Elle tint ensuite à expliquer dans un bref discours ce qu’était le Centre Femmes/Hommes de Verviers. Un des principaux buts du Centre est de combattre toute forme de discrimination (philosophique, culturelle ou religieuse) et de violences, notamment celles subies par les femmes. Le Centre œuvre aussi pour le respect de l’égalité totale entre femmes et hommes, élément essentiel à la réussite d’une société harmonieuse et pleinement démocratique.

La domination qu’exerce encore trop souvent l’homme à l’encontre de la femme constitue la principale pierre d’achoppement à cette ambition et la prostitution est l’exemple le plus flagrant des inégalités qui subsistent encore et qu’il faut combattre.

La prostitution se pratique le plus souvent dans le cadre d’un système criminel organisé, complexe qui permet à des « clients » d’avoir, contre rémunération des relations sexuelles avec d’autres personnes placées sous la coupe d’un proxénète. Ces personnes, en général des femmes (adolescentes ou adultes) sont bien sûr stigmatisées par les gens bien pensants. Ce sont les « prostitués(es) » !

Bien qu’il soit très difficile d’avoir une évaluation précise du nombre de prostitués(es), de proxénètes et du chiffre d’affaires généré par ces activités, il semble que l’on assiste à un développement de l’industrie du sexe en Europe occidentale.

Il faut savoir par exemple que, dans nos pays, 85% des prostituées proviennent des pays de l’ancien bloc communiste et de l’Afrique.

Une journée d’étude consacrée au 65ème anniversaire de la convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui a débouché ce 30 septembre sur la « Déclaration de Bruxelles » appelant à renforcer la lutte contre l’exploitation d’autrui mais également la prévention de la prostitution. Un des pistes évoquées était, au niveau de l’Europe, la saisie des biens immobiliers et mobiliers des proxénètes. La Présidente signala ensuite que le colloque/débat d’aujourd’hui avait été précédé de la projection du film « Chaos » qui servait de préface idéale à cette soirée. Elle passa ensuite la parole à la première intervenante, Pierrette PAPE.

Celle-ci, en guise de préambule, s’attacha aux poncifs que véhicule notre société :
– un homme qui a de nombreuses aventures est un « Don Juan », la femme une nymphomane
– la femme qui se prostitue le fait de son plein gré
– la prostituée est une « travailleuse du sexe », c’est un travail comme un autre …

Il apparaît ainsi, clairement, que, de nos jours encore, au sein de sociétés considérées comme évoluées, les normes qui s’appliquent de nos jours aux hommes et aux femmes sont toujours fondamentalement différentes et que ces différences favorisent une vision tronquée de la réalité, du vécu des prostituées.

L’inégalité Femmes/Hommes sert ici de paravent, d’excuse facile à cet esclavage imposé à des êtres humains. La prostitution est en outre réductrice des rapports humains. Le sexe, pour certains, se réduirait donc au versement d’une somme d’argent en dehors de toute autre considération. Et que dire des violences faites aux femmes pour les contraindre à se prostituer : vols de passeports, menaces, chantage, violences physiques … ?

Madame PAPE utilisa aussi pour illustrer ses propos un DVD, l’image étant souvent plus percutante que les paroles. Elle s’attacha ensuite à démontrer que, pour aider les prostituées à quitter ce milieu, il fallait impérativement casser l’isolement dans lequel elles sont maintenues.

Madame Modi NTAMBWE intervint à son tour pour stipuler que, face à la prostitution organisée des femmes migrantes en Europe, il fallait créer une coupole, une plate-forme commune à l’échelon européen avec un objectif commun : une migration légalisée, équitable envers toutes les immigrées.

Elle signala aussi que la prostitution génère, en amont, un trafic humain très rentable. On crée un centre de mobilité illégal pour les femmes, lesquelles à leur arrivée à destination tombent sous la coupe des proxénètes qui les privent de leur passeport et, bien sûr de tout droit.

Il faut dire, hélas, qu’en Belgique, les budgets sont bouclés et que rien, de ce fait, n’est fait pour combattre ce trafic. Or, la prostitution est un fléau qu’il faut absolument combattre sous peine de le voir s’intensifier.

Certains partis d’extrême droite veulent légaliser celle-ci en supprimant le côté émotionnel qu’elle véhicule. Ainsi, les prostituées seraient dorénavant des « travailleuses du sexe ». Oui, mais sur base de quels critères va t’on définir une « bonne prostituée » ?

Il faut rappeler ce chiffre : 80% des prostituées sont originaires de l’étranger. Celles-ci sont réduites en esclavage, violences physiques à l’appui et/ou utilisation de drogues dures pour les maintenir en état d’asservissement et de déconnexion avec les autres. En Belgique, ce problème de traite des êtres humains est très nébuleux, tabou dans les milieux de l’immigration. Les statistiques que l’on possède révèlent que le Congo (pour la Belgique, la France), le Ghana et le Niger (pour la Hollande et l’Allemagne) sont les principaux pourvoyeurs des proxénètes. Ceux-ci, dans 80% des cas, préfèrent utiliser des femmes seules, sans attaches dans le pays de destination.

Elle signala, elle aussi combien les clichés ont la vie dure et facilitent la prostitution : les Asiatiques sont passives, soumises ; les Africaines voluptueuses, sensuelles ; les filles venues de l’Est, blondes, sculpturales..

Ces images, triste héritage du passé ou de l’ imaginaire, de l’esclavage, du racisme favorisent cette migration sexuelle de même que la paupérisation. Celle-ci se rencontre partout, à telle enseigne qu’il n’est pas rare de voir des jeunes étudiantes, à l’université, se prostituer pour payer leurs études. Les proxénètes savent aussi « culpabiliser » les femmes (tout est de leur faute) pour mieux les asservir.

Madame MAQUESTIAU, se servant elle aussi du support médiatique qu’offre le DVD va aborder le chapitre de l’hyper sexualisation. Celle-ci consiste à donner un caractère sexuel à un produit ou à un comportement qui, à l’ origine, n’en comporte aucun.

Chacun sait que la clientèle des ados constitue une cible privilégiée ; dès lors, l’on va se servir du sexe pour vendre des produits d’usage courants : soutien-gorge, sac, slips, vacances. L’on assiste à l’émergence de courants stéréotypés, sexistes véhiculés par les médias ainsi qu’à l’érotisation des corps des filles même dans le cadre de campagnes éducatives contre le tabac, images à l’appui !

Des professionnels de l’enfance ont même réclamé un débat sur les rapports enfants/publicité ; un(e) enfant/ado est-il un mannequin comme les autres ?

Il est patent que l’on banalise la sexualité partout : les revues féminines elles-mêmes passent des publicités à connotation sexuelle ce qui amène les filles à trouver banal, normal qu’une photo de mode soit hypersexuée. Les jeunes, filles ET garçons sont les premières victimes de cette banalisation : les filles sont confrontées à des problèmes de boulimie ou d’anorexie, les garçons, eux, sont exposés à la cyber violence, à la pornographie véhiculée par les médias et à la banalisation des violences sexuelles.

Tout ceci conduit à une modification grave du regard que les hommes posent sur les femmes et de leur comportement suite  à la vision de certains films machistes, sexistes comme les films à caractère pornographique, à l’éloge au sein de groupes d’hommes de la masculinité voire de la virilité exacerbée en temps de guerre comme en temps de paix, au Nord comme au Sud, aujourd’hui comme hier. L’on crée ainsi une exploitation consentie tant par les hommes que par certaines femmes.

La question éthique qui résulte du consentement exigé dans le cadre de la législation belge en ce qui concerne les relations sexuelles et, plus spécifiquement la prostitution tend ainsi à se diluer avec, entre autres, l’apparition de » travailleuses du sexe ».

Les syndicats, en Belgique, doivent dire NON à ce statut dans lequel on veut enfermer les victimes de la prostitution.

Une comparaison avec les autre pays nous apprend que la Suède a aboli la prostitution en pénalisant les clients et en traquant ceux-ci jusque sur les réseaux qui travaillent sur le Net. Suédois et Suédoises doivent être égaux et l’éradication de la prostitution constitue un must dans ce pays, celle-ci étant perçue comme une entrave à l’égalité Femmes/Hommes voulue dans cet Etat.

Les Pays Bas, eux, privilégient le  choix des femmes de se prostituer LIBREMENT dans un système « organisé ». L’on constate malheureusement que, chez eux, les proxénètes ont pignon sur rue, sont considérés comme des commerçants ordinaires, que plus aucun contrôle ne peut s’exercer dans les immeubles destinés à ce trafic. Comment s’étonner dès lors que 90% des femmes qui se livrent à la prostitution dans ce pays se déclarent obligées d’exercer cette profession avilissante ?

En Belgique, comme en France, règne un flou juridique qui profite largement aux proxénètes.

Les 3 oratrices proposent finalement au public présent de leur communiquer leurs impressions, réflexions et questions concernant le sujet traité. Il s’ensuit un débat animé entre les intervenantes et le public qui s’est visiblement senti très concerné par ce suijet.

Il est rappelé que la prostitution rapporte des sommes colossales aux proxénètes, que cet argent est très souvent synonyme de pouvoir, de corruption..

Un cliché va être ainsi mis à mal : les clients des prostituées sont presque toujours des hommes mariés, qui souvent ont une ou des maîtresses, une sexualité élevée et non des malheureux isolés et/ou handicapés. Ceux-ci n’auraient-ils pas droit à une sexualité où l’affection, la tendresse existeraient et où les rapports ne seraient pas codifiés par l’argent ?

La Présidente du Centre, Jeannine GERLACH, intervint alors pour clôturer le débat, vu l’heure tardive. Elle formula le vœu d’avoir apporté un éclairage nouveau sur le problème de la prostitution, adressa ses remerciements aux oratrices et à Sophie de Hareng, stagiaire, qui toutes étaient venues de Bruxelles pour animer ce débat /colloque et leur remit, en remerciement, un cadeau typiquement verviétois : la tarte au riz.